À partir de combien de degrés peut-on arrêter de travailler ?
Au cœur de l’été, ou lors d’un hiver rigoureux, nombreux sont ceux qui s’interrogent sur les limites de la température au travail. Qui n’a jamais ressenti un malaise en pleine canicule sur un chantier, ou des engourdissements lors d’une vague de froid dans un atelier mal isolé ? Que l’on soit employé de bureau, ouvrier du BTP, ou salarié exposé en extérieur, la question de la température supportable sur le lieu de travail se pose avec acuité. Les épisodes climatiques extrêmes, de plus en plus fréquents, nous conduisent à nous demander à partir de combien de degrés nous pouvons légitimement interrompre notre activité, et quelles sont les obligations de l’employeur pour garantir notre sécurité.
Le cadre légal : ce que dit la loi sur la température au travail
En France, le Code du travail ne fixe ni température maximale, ni température minimale à ne pas dépasser ou à ne pas franchir pour travailler. Cette absence de seuil chiffré peut surprendre, mais elle s’explique par la diversité des situations professionnelles et des environnements de travail. La loi impose en revanche à l’employeur une obligation générale de sécurité : il doit garantir des conditions adaptées pour préserver la santé et la sécurité de ses salariés, quelles que soient les conditions climatiques.
Depuis le décret du 27 mai 2025, le cadre réglementaire s’est renforcé. Les vagues de chaleur sont reconnues comme un risque professionnel à part entière, nécessitant des mesures spécifiques d’anticipation et d’adaptation. Dès la vigilance jaune émise par Météo-France, l’employeur doit adapter l’organisation du travail, mettre en place des moyens de protection et prévoir des aménagements pour limiter l’exposition aux températures extrêmes.
Les recommandations officielles et seuils d’alerte
Les organismes de prévention, tels que l’INRS, publient des recommandations précises pour évaluer les risques liés à la température. Bien qu’aucun seuil légal ne soit inscrit dans le Code du travail, des valeurs repères sont largement reconnues dans la pratique professionnelle. Ces seuils varient selon la nature de l’activité et le contexte de travail.
Pour faciliter la compréhension, voici un tableau récapitulatif des principaux seuils d’alerte selon le type d’activité :
Type d’activité | Température seuil (°C) | Commentaire |
---|---|---|
Bureau (activité sédentaire) | 30 | Au-delà, risque accru pour la santé |
Travail physique modéré | 28 | Seuil d’alerte pour exposition prolongée |
Activité physique intense | 33 | Situation dangereuse, interruption recommandée |
Température basse (tous secteurs) | 18 | En-dessous, risque de froid, vigilance accrue |
Ces valeurs sont des repères, à moduler selon l’humidité, la ventilation, le rayonnement solaire, la charge physique de travail ou la tenue portée. Il convient d’ajuster les mesures de prévention en fonction de chaque situation.
Le droit de retrait en cas de températures extrêmes
Face à des conditions de travail jugées dangereuses, chaque salarié dispose d’un droit de retrait. Ce droit peut être exercé si la température expose à un danger grave et imminent pour la santé. Il ne s’agit pas d’un seuil chiffré, mais d’une appréciation au cas par cas, qui prend en compte l’état de santé, la nature du travail et les mesures de prévention mises en place.
Pour exercer ce droit, il convient d’informer immédiatement l’employeur, idéalement par écrit, en précisant les raisons du retrait. L’employeur doit alors évaluer la situation, adapter les conditions de travail, voire suspendre l’activité si le risque ne peut être maîtrisé. Ce droit s’applique aussi bien en cas de forte chaleur que de froid intense.
Les obligations de l’employeur face aux fortes chaleurs ou au froid
L’employeur doit anticiper et gérer les risques liés aux températures extrêmes. Dès l’alerte météo, il est tenu de prendre des mesures concrètes pour protéger la santé de ses salariés. Ces mesures sont particulièrement renforcées dans les secteurs exposés, comme le BTP ou les travaux en extérieur.
Pour répondre à ces obligations, l’employeur doit mettre en œuvre une série d’actions adaptées, dont voici les principales :
- Mettre à disposition de l’eau potable et fraîche en quantité suffisante, au moins trois litres par jour et par salarié sur les chantiers.
- Adapter les horaires pour éviter les périodes les plus chaudes ou les plus froides de la journée.
- Prévoir des pauses régulières dans des zones abritées ou rafraîchies.
- Fournir des équipements de protection adaptés (vêtements, protections solaires, abris, ventilateurs).
- Aménager les postes de travail pour limiter l’exposition directe au soleil ou au froid.
- Informer et former les salariés sur les risques et les gestes à adopter.
Dans le BTP, il est obligatoire de prévoir un local de repos adapté ou d’aménager le chantier pour garantir des pauses dans des conditions sécurisées. Les équipements de protection individuelle doivent être compatibles avec les conditions climatiques.
Comment mesurer la température au travail ?
Pour évaluer précisément le risque thermique, nous utilisons l’indice WBGT (Wet Bulb Globe Temperature). Cet indice prend en compte non seulement la température de l’air, mais aussi l’humidité, le rayonnement solaire et la vitesse de l’air. Il offre une vision plus complète de la contrainte thermique subie par l’organisme.
Contrairement à la température mesurée par un simple thermomètre, l’indice WBGT reflète la température ressentie et permet d’adapter les mesures de prévention en fonction de l’environnement réel. Des appareils spécifiques existent pour mesurer cet indice, ou il peut être calculé à partir de paramètres climatiques. Cette approche technique s’avère indispensable pour protéger efficacement les travailleurs exposés.
Quels recours pour les salariés en cas de non-respect ?
Si les mesures de prévention sont insuffisantes ou absentes, les salariés disposent de plusieurs recours. Il est possible de signaler la situation à l’employeur, d’alerter les représentants du personnel (CSE), ou de saisir le médecin du travail. L’inspection du travail peut intervenir pour vérifier le respect des obligations légales et exiger des aménagements immédiats.
Dans certains secteurs, comme le BTP, l’arrêt de travail collectif peut être décidé en cas de canicule ou d’intempéries, avec recours à des dispositifs d’indemnisation spécifiques. Les salariés peuvent aussi demander un aménagement temporaire de poste ou un arrêt de travail pour raison médicale si leur santé est menacée.
Bonnes pratiques et gestes à adopter en cas de températures extrêmes
Adopter les bons réflexes face aux températures extrêmes est essentiel pour préserver sa santé au travail. L’hydratation régulière, l’adaptation de la tenue vestimentaire et la limitation de l’effort physique lors des pics de chaleur ou de froid sont des mesures simples et efficaces.
Pour mieux s’organiser, voici une liste des gestes à privilégier en cas de fortes chaleurs ou de froid intense :
- Boire de l’eau fréquemment, sans attendre d’avoir soif.
- Prendre des pauses régulières dans des espaces frais ou abrités.
- Adapter sa tenue : vêtements légers, couvrants et clairs en été, vêtements chauds et superposés en hiver.
- Limiter l’activité physique lors des pics de température.
- Signaler immédiatement tout malaise ou symptôme de coup de chaleur ou d’hypothermie.
- Utiliser les équipements de protection mis à disposition.
- Respecter les consignes de sécurité et les aménagements horaires proposés par l’employeur.
Nous devons rester vigilants face aux conditions climatiques extrêmes, car elles représentent un risque réel pour la santé. Anticiper, s’informer et signaler toute situation à risque sont des réflexes à adopter collectivement. À mon sens, une meilleure sensibilisation et une adaptation continue des mesures de prévention sont indispensables pour garantir la sécurité de tous les travailleurs, quels que soient leur secteur ou leur environnement de travail.
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