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Afuera : Comment le slogan de Javier Milei inspire les partisans de la réduction des dépenses publiques en France

La France croule sous une dette publique qui atteint désormais des sommets historiques. Face à cette situation préoccupante, un nouveau modèle économique venu d’Argentine suscite l’intérêt croissant des partisans d’une réduction drastique des dépenses publiques. Le cri de ralliement « Afuera » (Dehors) du président argentin Javier Milei résonne maintenant dans l’Hexagone, où certains responsables politiques n’hésitent plus à brandir symboliquement la tronçonneuse. Ce slogan incarne une volonté radicale de couper dans les dépenses jugées superflues et de réduire le périmètre de l’État. Un phénomène qui prend de l’ampleur en France, où le débat sur la maîtrise des finances publiques s’intensifie à mesure que les résultats économiques argentins commencent à apparaître.

Le phénomène Milei et sa politique de la tronçonneuse

Javier Milei, économiste libertarien devenu président de l’Argentine en décembre 2023, a bâti sa popularité sur un style de communication non conventionnel et provocateur. Son parcours atypique l’a conduit des plateaux de télévision, où il officiait comme commentateur économique, jusqu’au sommet de l’État argentin avec une promesse claire : réduire drastiquement la taille de l’appareil étatique. Son slogan emblématique « Afuera » symbolise sa volonté d’éjecter tout ce qu’il considère comme superflu dans l’administration publique.

Très fort en communication et faisant fi du politiquement correct, Milei s’est notamment filmé en train de supprimer un à un les différents ministères qu’il jugeait obsolètes. Le ministère de la Culture, le ministère de la Femme et du Genre, le ministère des Travaux Publics, le ministère des Transports : tous ont été balayés d’un retentissant « AFUERA ! ». Sa tronçonneuse, brandie lors de ses meetings électoraux, est devenue le symbole visuel fort de sa politique d’austérité. Se revendiquant anarcho-capitaliste, Milei considère l’État comme le « Mal absolu » et ne reconnaît que la sécurité et la justice comme fonctions légitimes de la puissance publique.

La situation économique argentine : contexte d’émergence d’une politique radicale

Pour comprendre l’émergence de Milei, il faut revenir sur la situation catastrophique de l’économie argentine avant son élection. Le pays subissait une inflation galopante de plus de 200% en 2023, une corruption endémique et une dette représentant 73% du PIB. Cette situation économique désastreuse, fruit de décennies de politiques interventionnistes et de dépenses publiques non maîtrisées, a conduit 56% des Argentins à voter pour une politique de réduction drastique des dépenses de l’État.

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L’Argentine dépensait environ 41% de son PIB en dépenses publiques avant l’arrivée de Milei, un chiffre déjà considérable mais bien inférieur à celui de la France, qui frôle les 65%. Cette comparaison explique pourquoi le modèle Milei attire tant l’attention en France, où le poids de l’État dans l’économie atteint des niveaux parmi les plus élevés au monde. La situation de crise extrême en Argentine a créé un terreau favorable à l’émergence d’une solution radicale, incarnée par un outsider politique promettant de rompre avec les pratiques du passé.

Les mesures concrètes mises en place par le gouvernement Milei

Vox España, CC0, via Wikimedia Commons

Dès sa prise de fonction en décembre 2023, Milei a mis en œuvre un programme d’austérité sans précédent. Il a immédiatement supprimé 9 ministères sur 18, réduisant ainsi de 34% les postes politiques. Son gouvernement a procédé à une dévaluation du peso de 50%, supprimé les subventions aux transports et à l’énergie, et abrogé la loi encadrant les loyers pour libéraliser le marché immobilier.

Le président argentin a promulgué un « méga-décret » de 366 articles visant à libérer l’économie de ses entraves réglementaires. Ce texte a permis la suppression de plus de 300 normes et règlements jugés contraignants pour l’activité économique. Milei a également mis fin à la quasi-totalité des projets d’infrastructures publiques, considérant que ces investissements devaient désormais relever du secteur privé. Ces mesures drastiques s’accompagnent d’une réduction significative des effectifs de la fonction publique, avec le licenciement de dizaines de milliers de fonctionnaires et la suspension des recrutements. Sa politique budgétaire peut se résumer par sa phrase devenue célèbre : « No hay plata » (« Il n’y a pas d’argent »).

L’écho du discours libertarien dans le paysage politique français

Le discours et les méthodes de Milei trouvent un écho grandissant dans le paysage politique français. Des personnalités politiques, principalement à droite, commencent à s’inspirer ouvertement de sa rhétorique et de ses propositions. En février 2025, plusieurs élus français, qu’ils soient présidents de région, maires ou députés, ont repris à leur compte le slogan « Afuera » pour marquer leur volonté de réduire les dépenses publiques.

Éric Ciotti, figure politique de droite, a notamment déclaré en octobre 2024 : « Je prends l’exemple de ce qui est fait en Argentine avec le président Milei, il faut qu’on ait une tronçonneuse pour couper dans les dépenses publiques qui ne servent à rien en France ». Cette référence explicite à la méthode Milei marque un tournant dans le discours sur les finances publiques en France, où l’idée d’une réduction drastique des dépenses de l’État gagne du terrain. Le gouvernement français semble d’ailleurs prendre ce phénomène au sérieux, puisque selon des informations récentes, les comptes libertariens influents sur les réseaux sociaux feraient l’objet d’une surveillance par les autorités.

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Les premiers résultats économiques de la méthode Milei

Après plus d’un an au pouvoir, les premiers résultats économiques de la politique de Milei présentent un bilan contrasté. Sur le plan positif, l’inflation mensuelle est passée de 25% en décembre 2023 à 2,7% en octobre 2024, une réduction spectaculaire. L’Argentine a obtenu des excédents budgétaires mensuels consécutifs, une première depuis 123 ans selon le président lui-même, qui a déclaré : « Le déficit était la racine de tous nos maux—sans lui, il n’y a pas de dette, pas d’émission monétaire, pas d’inflation. »

Cependant, ces résultats s’accompagnent d’un coût social élevé. L’économie argentine s’est contractée, avec une récession estimée à environ 3% pour l’année 2024. Le taux de pauvreté a atteint 52,9% de la population au second semestre 2024, un niveau record depuis deux décennies. Les secteurs de la construction et de l’industrie manufacturière ont particulièrement souffert, avec des baisses d’activité respectives de 19,7% et 13,7%. Le chômage a augmenté, passant de 6,6% en 2023 à 8% en 2024 selon les chiffres officiels, qui ne prennent pas en compte le secteur informel, pourtant massif en Argentine.

Débat : Une transposition possible dans le contexte français ?

La question de la transposition du modèle Milei en France fait l’objet d’un débat intense. Les partisans d’une adaptation française estiment qu’une version moins radicale pourrait être mise en œuvre, avec l’objectif d’atteindre un déficit zéro sur cinq ans grâce à environ 150 milliards d’euros d’économies. Ils soulignent que la France, avec ses 65% de dépenses publiques rapportées au PIB, dispose d’une marge de manœuvre considérable pour réduire le périmètre de l’État sans affecter ses fonctions essentielles.

À l’opposé, les critiques du modèle Milei mettent en avant les différences fondamentales de contexte entre l’Argentine et la France. L’économie française n’est pas confrontée à une hyperinflation et bénéficie d’institutions plus solides. Ils alertent sur les risques sociaux d’une politique d’austérité trop brutale, qui pourrait fragiliser le modèle social français et provoquer des tensions importantes. Entre ces deux positions, certains économistes suggèrent une voie médiane, inspirée par l’exemple suédois des années 1990, où des réformes structurelles ont permis de réduire progressivement le poids de l’État sans démanteler la protection sociale.

Au-delà de l’économie : l’aspect idéologique du mouvement

Le phénomène Milei dépasse largement le cadre économique pour s’inscrire dans une dimension idéologique profonde. Le président argentin se définit comme anarcho-capitaliste à long terme et minarchiste à court terme, reconnaissant les contraintes actuelles à l’abolition complète de l’État tout en gardant cet objectif pour l’avenir. Son influence théorique provient principalement de l’École autrichienne d’économie, filtrée au prisme du libertarien américain Murray Rothbard.

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Milei mène ce qu’il appelle une « guerre culturelle anti-collectiviste » dans un pays marqué par une tradition étatiste. Il s’oppose vigoureusement à la notion de justice sociale, qu’il qualifie d' »aberration » et d' »injustice » car elle impliquerait un traitement inégal devant la loi et serait précédée d’un « vol » (les impôts). Cette vision radicale trouve un écho chez certains électeurs français déçus par les politiques traditionnelles et séduits par la promesse d’un État minimal. La classification médiatique de Milei à l’extrême-droite en France est pourtant contestable, son libertarianisme s’opposant théoriquement à cette catégorisation. Il représente plutôt un courant « ultra-libéral » qui transcende le clivage gauche-droite traditionnel, comme l’ont souligné plusieurs analystes politiques.

Les limites et critiques du modèle Milei

Les critiques du modèle Milei pointent plusieurs limites majeures. La première concerne l’impact social désastreux de ses politiques, avec une augmentation significative de la pauvreté et une baisse du pouvoir d’achat des plus vulnérables. Les retraités argentins ont particulièrement souffert, leurs pensions ayant perdu 22% de leur valeur réelle, faisant passer certaines sous le seuil de pauvreté.

La durabilité à long terme de ces mesures est questionnée par de nombreux économistes. Si la réduction de l’inflation constitue un succès à court terme, la contraction économique pourrait compromettre la reprise future et la stabilité politique du pays. Les universités argentines, privées de moyens, peinent à maintenir leurs infrastructures de base, tandis que la recherche scientifique se trouve gravement affectée par les coupes budgétaires. Les positions controversées de Milei sur d’autres sujets, comme son opposition à l’avortement et au réchauffement climatique, ou son soutien à la liberté du port d’armes, suscitent des réserves supplémentaires quant à la pertinence de son modèle comme source d’inspiration pour la France.

Vers un nouveau paradigme des finances publiques ?

Le phénomène Milei semble représenter plus qu’un simple épiphénomène politique. Il incarne une tendance de fond qui pourrait influencer durablement le débat sur les finances publiques en France et au-delà. Sa popularité auprès des jeunes générations, plus sensibles aux idées libertariennes et moins attachées au modèle social traditionnel, suggère une évolution possible des mentalités sur le rôle de l’État.

La France pourrait-elle connaître son propre « moment Milei » lors des prochaines échéances électorales ? Si un scénario aussi radical paraît peu probable dans l’immédiat, l’influence des idées libertariennes sur le débat public français s’intensifie. Les propositions de réduction des dépenses publiques gagnent en légitimité, transcendant les clivages politiques traditionnels. Le succès ou l’échec du modèle argentin dans la durée sera déterminant pour l’avenir de cette influence. Si Milei parvient à stabiliser l’économie argentine tout en atténuant l’impact social de ses réformes, son approche pourrait devenir une référence incontournable pour les partisans d’un État plus modeste en France. Dans le cas contraire, son expérience servirait de contre-exemple aux défenseurs du modèle social français.

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