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Israël-Palestine : comprendre les racines historiques du conflit

Vous vous interrogez sur les origines du conflit israélo-palestinien, ce différend qui perdure depuis plus de 75 ans et continue d’occuper l’actualité internationale. Comprendre les racines de cette confrontation nécessite de remonter à la fin du 19e siècle, lorsque deux mouvements nationaux se sont formés sur le même territoire. Ce conflit, loin d’être uniquement religieux ou territorial, puise ses sources dans une histoire complexe de promesses contradictoires, de migrations massives et d’aspirations nationales incompatibles. Nous retracerons ici les événements clés qui ont façonné cette situation, depuis l’époque ottomane jusqu’aux impasses diplomatiques actuelles, afin que vous puissiez saisir les enjeux contemporains à travers leurs fondements historiques.

La Palestine ottomane et les prémices du nationalisme (fin XIXe – début XXe siècle)

À la fin du 19e siècle, la Palestine constituait une région de l’Empire ottoman découpée administrativement en plusieurs districts. Le territoire ne formait pas une entité politique distincte, et le terme Palestine n’apparaissait plus dans les documents officiels ottomans. Selon le recensement de 1872, la population totale s’élevait à environ 380 000 habitants, dont 85% de musulmans, 11% de chrétiens et 4% de juifs. Cette population connut une croissance démographique notable, passant à 470 000 habitants en 1880, puis à environ 730 000 en 1914.

Cette période vit naître deux mouvements nationaux parallèles qui allaient entrer en collision. Le mouvement sioniste, formalisé par le journaliste viennois Theodor Herzl lors du premier Congrès sioniste à Bâle en août 1897, visait à établir un foyer national juif en Palestine. Herzl développa un projet laïc répondant aux persécutions antisémites en Europe, notamment après l’affaire Dreyfus. Le sionisme prônait le droit à l’autodétermination du peuple juif, dispersé depuis des siècles. Simultanément, le nationalisme arabe émergeait dans la région ottomane, porteur d’aspirations à l’indépendance et à l’autodétermination des populations arabes locales.

Le mandat britannique et les promesses contradictoires (1917-1947)

La Déclaration Balfour du 2 novembre 1917 marqua un tournant décisif. Le secrétaire d’État britannique aux Affaires étrangères, Arthur Balfour, adressa une lettre à Lord Rothschild annonçant que le gouvernement britannique « envisage favorablement l’établissement en Palestine d’un foyer national pour le peuple juif ». Cette déclaration constituait le premier aboutissement des efforts sionistes pour obtenir l’appui d’une grande puissance. Toutefois, elle précisait que rien ne serait fait « qui puisse porter atteinte ni aux droits civiques et religieux des collectivités non juives existant en Palestine ».

Le mandat britannique sur la Palestine, officialisé en 1922 par la Société des Nations, intégra cette promesse tout en devant protéger les droits des Arabes locaux, créant ainsi une double obligation contradictoire. Entre 1920 et 1940, des vagues massives d’immigration juive transformèrent la démographie du territoire. La population juive passa de 60 000 en 1914 à plusieurs centaines de milliers dans les années 1930, notamment suite aux persécutions nazies en Europe. Ces migrations provoquèrent des tensions croissantes avec la population arabe, qui culminèrent lors de la Grande Révolte arabe de 1936-1939, violemment réprimée par les Britanniques.

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DestinatairePromesse britanniqueAnnée
Mouvement sionisteÉtablissement d’un foyer national juif en Palestine1917
Populations arabesProtection des droits civiques et religieux des collectivités non juives1917
FrancePartage des territoires ottomans (accords Sykes-Picot)1916

1948 : la création d’Israël et la Nakba palestinienne

Face à l’escalade de violence entre communautés juive et arabe, le Royaume-Uni annonça en février 1947 son intention de mettre fin au mandat. L’ONU adopta le 29 novembre 1947 la résolution 181 recommandant le partage de la Palestine en deux États. Ce plan attribuait 55% du territoire à un État juif qui aurait compté environ 498 000 juifs et 450 000 Arabes palestiniens, tandis que 43% revenait à un État arabe avec 725 000 Arabes palestiniens et 10 000 juifs. Jérusalem devait bénéficier d’un statut international.

Les dirigeants sionistes acceptèrent ce plan malgré ses imperfections, considérant qu’il légitimait leur projet national et permettait une immigration sans limite. Les Arabes palestiniens, non consultés, le refusèrent catégoriquement, estimant qu’il bafouait le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Le 14 mai 1948, David Ben Gourion proclama l’indépendance d’Israël. Le lendemain, les armées de cinq États arabes attaquèrent le nouvel État. À l’issue de cette guerre, Israël contrôla 78% de la Palestine mandataire, bien au-delà des frontières prévues par l’ONU. Pour les Palestiniens, cette période constitue la Nakba, la catastrophe : entre 700 000 et 800 000 personnes furent contraintes à l’exil, perdant leurs terres et leurs maisons. Aucun État palestinien ne vit le jour, la Cisjordanie étant annexée par la Jordanie et Gaza administrée par l’Égypte.

Les guerres israélo-arabes et l’expansion territoriale

Les décennies suivantes furent marquées par plusieurs conflits armés qui redessinèrent les frontières régionales. En 1956, lors de la crise de Suez, Israël participa à l’intervention franco-britannique contre l’Égypte de Nasser. La guerre des Six Jours en juin 1967 constitua un tournant majeur : en six jours, Israël s’empara du plateau du Golan syrien, de la Cisjordanie et Jérusalem-Est contrôlés par la Jordanie, de la bande de Gaza et du Sinaï égyptiens. Cette conquête territoriale provoqua l’exode de 300 000 Palestiniens supplémentaires vers la Jordanie.

La guerre de Kippour en octobre 1973 vit les armées égyptienne et syrienne lancer une offensive surprise contre Israël pour reconquérir les territoires perdus. Après des combats acharnés, les lignes restèrent globalement inchangées. Ces conflits façonnèrent durablement les frontières actuelles et créèrent de nouveaux flux de réfugiés. Israël maintint son occupation sur la plupart des territoires conquis en 1967, malgré la résolution 242 du Conseil de sécurité de l’ONU exigeant son retrait. La colonisation israélienne s’intensifia progressivement en Cisjordanie, avec l’établissement de colonies jugées illégales par la communauté internationale.

Les principaux territoires occupés depuis 1967 présentent une importance stratégique considérable pour les deux parties. Voici leur répartition actuelle :

  • Cisjordanie : territoire de 5 860 km² situé à l’est de la ligne verte, comprenant aujourd’hui plus de 130 colonies israéliennes et environ 3 millions de Palestiniens
  • Jérusalem-Est : partie orientale de la ville sainte, annexée unilatéralement par Israël en 1980 mais non reconnue par la communauté internationale
  • Plateau du Golan : territoire syrien de 1 200 km² annexé par Israël en 1981, position stratégique dominant la région
  • Bande de Gaza : étroite bande côtière de 365 km² évacuée par Israël en 2005 mais soumise à un blocus depuis 2007
  • Sinaï : péninsule égyptienne restituée en 1982 suite aux accords de Camp David
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Le nationalisme palestinien et l’émergence de l’OLP

L’Organisation de Libération de la Palestine fut créée le 28 mai 1964 à Jérusalem, sous l’impulsion de la Ligue arabe et notamment du président égyptien Nasser. Cette création visait à doter les Palestiniens d’institutions représentatives dans leur combat contre Israël. Initialement conçue comme un mouvement nationaliste arabe, l’OLP se transforma en organisation de guérilla palestinienne après la débâcle des armées arabes lors de la guerre des Six Jours.

En 1969, Yasser Arafat, dirigeant du Fatah, prit la tête de l’OLP et l’orienta vers un projet nationaliste spécifiquement palestinien, au détriment de l’unité arabe initialement souhaitée. L’OLP fut admise aux Nations unies en 1974 comme membre observateur et reconnue comme « seul et légitime représentant du peuple palestinien ». Cette reconnaissance internationale marqua l’affirmation d’une identité palestinienne distincte. Le débat sur l’existence historique d’un peuple palestinien divise encore aujourd’hui : certains soutiennent que la Palestine n’a jamais constitué un État indépendant avant 1948, tandis que d’autres rappellent qu’une population arabe enracinée habitait ce territoire depuis des siècles. Le sionisme, quant à lui, se définit comme le mouvement national du peuple juif réclamant son droit à l’autodétermination sur sa terre ancestrale.

Les tentatives de paix : d’Oslo aux impasses actuelles

Les accords de Camp David de 1978 établirent une paix séparée entre Israël et l’Égypte, Israël restituant le Sinaï en échange de la reconnaissance égyptienne. Cette première percée diplomatique n’incluait toutefois pas les Palestiniens. Les accords d’Oslo, négociés secrètement en Norvège, marquèrent une avancée historique : les 9 et 10 septembre 1993, Israël et l’OLP échangèrent des lettres de reconnaissance mutuelle. Le 13 septembre, Yitzhak Rabin et Yasser Arafat signèrent à Washington la Déclaration de principes établissant une Autorité palestinienne autonome à Gaza et en Cisjordanie.

L’accord intérimaire de 1995 divisa la Cisjordanie en trois zones : la zone A sous administration civile et policière palestinienne, la zone B sous administration partagée, et la zone C sous contrôle total israélien incluant toutes les colonies. Toutefois, les négociations sur le statut final échouèrent lors du sommet de Camp David en 2000, butant sur les questions centrales : statut de Jérusalem, droit au retour des réfugiés, démantèlement des colonies, tracé des frontières et garanties sécuritaires. Le retrait israélien de Gaza en 2005 ne mit pas fin aux tensions. En juin 2007, après avoir remporté les élections législatives de 2006, le Hamas prit le contrôle de Gaza par les armes, chassant les forces du Fatah. Cette division entre Gaza contrôlée par le Hamas et la Cisjordanie administrée par l’Autorité palestinienne complique davantage toute perspective de paix.

Les dimensions religieuses et culturelles du conflit

Si les racines du conflit sont principalement politiques et territoriales, la dimension religieuse joue un rôle considérable dans sa complexité. Jérusalem constitue un lieu saint pour les trois religions monothéistes : elle abrite le Mur des Lamentations, vestige du Temple juif détruit par les Romains, l’esplanade des Mosquées avec le Dôme du Rocher et la mosquée Al-Aqsa, ainsi que le Saint-Sépulcre pour les chrétiens. Cette superposition de revendications spirituelles rend toute négociation sur le statut de la ville extrêmement sensible.

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Pour les juifs, le lien avec la terre d’Israël remonte à l’Antiquité biblique. Le mot « Sion » désigne Jérusalem dans les textes sacrés, tandis que la Judée constitue le royaume historique des Hébreux. Le terme Palestine provient quant à lui du latin « Palaestina », utilisé par les Romains après avoir écrasé la révolte juive au 2e siècle. Les Palestiniens revendiquent un attachement séculaire à cette terre qu’ils habitent depuis des générations. Religion et nationalisme s’entremêlent des deux côtés : le sionisme religieux insiste sur les promesses bibliques, tandis que pour certains mouvements palestiniens comme le Hamas, la libération de la Palestine revêt une dimension islamique. Cette imbrication du sacré et du politique rend le compromis territorial encore plus difficile, chaque concession étant perçue comme un abandon de principes fondamentaux.

La question des réfugiés : une plaie ouverte

Le problème des réfugiés constitue l’un des obstacles majeurs à toute résolution du conflit. Selon l’UNRWA, l’agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens, plus de 5,9 millions de Palestiniens bénéficiaient en 2024 du statut de réfugié, descendants des 750 000 personnes déplacées en 1948. Les Palestiniens revendiquent le droit au retour garanti par la résolution 194 de l’ONU, permettant aux réfugiés de regagner leurs terres ancestrales ou d’obtenir une compensation.

Israël s’oppose fermement à ce droit au retour, estimant qu’un afflux massif de millions de Palestiniens mettrait fin au caractère juif de l’État. Nous constatons qu’un échange de populations s’est produit : environ 850 000 juifs des pays arabes durent quitter le Maroc, l’Irak, l’Égypte, le Yémen et d’autres nations après 1948, trouvant refuge principalement en Israël. Cette réalité reste souvent occultée dans le débat international. Les conditions de vie dans les camps de réfugiés palestiniens varient considérablement selon les pays hôtes, mais demeurent fréquemment précaires.

La diaspora palestinienne s’est répartie dans plusieurs pays, chacun accueillant une population significative de réfugiés enregistrés :

  • Jordanie : environ 2,39 millions de réfugiés répartis dans 10 camps, dont 75% ont obtenu la nationalité jordanienne
  • Gaza : 1,6 million de personnes enregistrées dans 8 camps, vivant sous blocus depuis 2007
  • Cisjordanie : 912 879 réfugiés enregistrés dans 19 camps, sous occupation israélienne
  • Liban : 489 292 personnes dans 12 camps, privées de nombreux droits civiques et économiques
  • Syrie : 438 000 réfugiés dans 9 camps, situation aggravée par la guerre civile syrienne

Les acteurs internationaux et leurs responsabilités

Le Royaume-Uni porte une responsabilité historique majeure dans ce conflit. La Déclaration Balfour de 1917 et la gestion contradictoire du mandat britannique créèrent les conditions de l’affrontement actuel. En ne parvenant pas à concilier ses promesses aux juifs et aux Arabes, Londres légua une situation explosive aux Nations unies. Les États-Unis sont devenus le principal soutien diplomatique, militaire et financier d’Israël, fournissant plus de 3 milliards de dollars d’aide annuelle. Cette proximité stratégique limite leur crédibilité comme médiateur impartial.

L’URSS puis la Russie ont soutenu les États arabes durant la Guerre froide, avant d’adopter une position plus équilibrée. L’Union européenne finance massivement l’Autorité palestinienne tout en maintenant des relations commerciales étroites avec Israël, cherchant une voie médiane souvent jugée inefficace. L’ONU, à travers ses nombreuses résolutions condamnant l’occupation israélienne, peine à faire respecter le droit international face au véto américain au Conseil de sécurité. Les pays arabes, après avoir mené plusieurs guerres contre Israël, se sont progressivement désengagés de la cause palestinienne, certains normalisant même leurs relations avec Israël via les accords d’Abraham en 2020. L’Iran, soutenant financièrement et militairement le Hamas et le Hezbollah, s’est positionné comme le principal opposant régional à Israël, transformant le conflit israélo-palestinien en confrontation géopolitique plus large.

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