Les dockers. C’est un problème ? Non, Sire. C’est un scandale !
L’émission sensationnaliste (et donc à prendre avec précaution) « Enquêtes exclusives » de M6 diffusait il y a une dizaine de jours un sujet (ou peut être le rediffusait-il ?) sur les dockers. Si on croyait ce qu’on voyait, deux envies contradictoires nous venaient à l’esprit : devenir docker ou dénoncer une situation de privilèges injustes et déraisonnés.
Alors je me suis renseigné…
D’abord, il faut savoir que les dockers sont en grève depuis presque 5 semaines. Motif : ils veulent partir 4 ans plus tôt à la retraite en reconnaissance de la pénibilité de leur travail. Le gouvernement ne leur propose « que » de partir deux ans plus tôt.
Le 8 février, un rapport de la Cour des Comptes est venu expertiser l’organisation du GPMM (le port de Marseille). Cette étude concomitante à la grève est-elle un hasard ? En politique il y en a peu.
Ce rapport établi plusieurs points, preuves à l’appui :
- le temps effectif de travail des portiqueurs (ceux qui manoeuvrent les grues maritimes) s’établit entre 12 et 14 heures par semaine. `
- à effectif quasi-constant, le nombre d’heures travaillées diminue de 4 % entre 2006 et 2008 lorsque le nombre d’heures supplémentaires s’accroît de plus de 21 % (ou comment faire un remake de « travailler plus pour gagner plus » en « travaillez moins mais faites des heures supplémentaires »).
- si l’on prend en compte la totalité des journées d’absence quel que soit le motif, on constate une absence moyenne de 26,53 jours par salarié en 2008 (ce qui fait un peu plus d’un mois de vacances « bonus »).
Ces surcoûts sont supportés par les entreprises maritimes (armateurs, société d’import-export) mais aussi par les collectivités qui gèrent en partie le port autonome et par l’Etat qui finance le coût de leur retraite (avancée). Donc nous en gros. On paye plus cher les produits qui passent par les ports, on paye plus d’impôts pour payer leurs salaires et on finance leurs retraites par les classiques CSG, CRDS & co.
François Chérèque, éclairé, estime d’ailleurs que les ports français ne sont pas tout à fait « démocratiques » et qu’il existe « un corporatisme qui met en difficulté les bassins économiques ».
« Pas tout à fait démocratique » pourrait même devenir « complètement autocratique » ! Le reportage d’Enquêtes Exclusives le montrait bien : il n’y a qu’un seul syndicat sur place, tellement puissant qu’il contrôle jusqu’à l’embauche des nouvelles recrues. Ils ne veulent surtout pas laisser rentrer un loup blanc dans la bergerie de brebis galeuses de peur de laisser fuiter le véritable fonctionnement interne du port autonome.
Le rôle de ces ports n’est probablement surtout pas celui d’assurer un énorme salaire (entre 3500 et 4500 euros net) et d’immenses avantages à des emplois qui ne sont plus aussi difficiles que ce qu’ils étaient, il est vrai, dans le passé. Depuis longtemps, l’informatique et l’hydraulique ont remplacé l’huile de coude. Je ne sais plus trop qui avait d’ailleurs qualifié ce métier de « meilleur job du monde » en le rapprochant de manière humoristique à cette offre d’emploi de « gardien d’une ile paradisiaque » proposé par un office du tourisme en manque de publicité d’un pays de la zone australe.
Marseille en paye le prix : les compagnies maritimes évitent de compter sur un port constamment en grève, comme celui du Havre et détournent leurs bateaux. C’est peut-être le moment de casser la main mise de la CGT sur les ports français et d’installer un service minimum dans cette activité économique stratégique
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